Mise en échec (1)

Publié le par nivelles

Mise en échec...  ( Lire Matthieu 16 : 13-28)

Un jour Jésus adressa des paroles  très dures à Pierre : Arrière de moi, Satan ! Tu es pour moi un scandale, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. Qu’avait donc pu dire ce disciple pour s’entendre traiter de Satan ? Rien d’apparemment bien grave. Il avait exprimé sa pensée à la suite de l’annonce par Jésus de ses souffrances, de sa mort et de sa résurrection : A Dieu ne plaise… cela ne t’arrivera pas !

 

Paroles sévères donc d’un Maître qui a mis en échec un des ses plus proches disciples qui, sans doute, pensait bien dire pour exprimer son attachement à Celui dont il ne pouvait imaginer la mort prochaine, imméritée et significative de l’échec d’une mission. Mise en échec de ses pensées qui n’étaient pas inspirées de Dieu mais pleines d’humanité pour Jésus.

 

Paroles aussi étonnamment en contraste avec ce que Jésus venait de promettre à Pierre. Sur sa  confession inédite jusqu’alors, le Seigneur avait déclaré qu’il bâtirait son Eglise ! Pas rien comme approbation et marque de confiance. On s’étonne donc que dans la suite, Pierre ait été assimilé à Satan par Jésus alors qu’il exprimait sans doute son incompréhension de sa mort annoncée. Mise en échec d’un espoir.

 

Le genre de mise en échec auquel nous pouvons être confrontés aussi quand nos espoirs ne sont pas exaucés, quand notre attente de Dieu ne correspond pas à son agir, quand notre confiance en lui est ébranlée par ce qu’il permet ou ce qu’il n’empêche pas, quand ce que nous croyons ne se vérifie pas dans des faits, dans des accomplissements.

 

A Dieu ne plaise, cela ne t’arrivera pas ! N’avons-nous pas aussi des convictions à propos de ce qu’il plaira à Dieu de permettre ou pas ? Nous avons tous ce genre de croyances qui nous incitent à penser que Dieu ne permettra pas telle situation ou empêchera telle autre. Il nous arrive de penser que Dieu ne permettra pas que… C’est pourquoi nous prions sans toujours être exaucés ! Sur base de quoi reposent ces convictions?

 

Sont-elles inspirées par Dieu, par la méditation de sa Parole ou viennent-elles de l’image que nous nous faisons de Dieu, de notre compréhension de son être, de notre interprétation de sa volonté ou encore sont-elles plutôt fondées sur le sentiment pour affirmer ce qui plaît à Dieu, selon notre avis,  de permettre ou d’empêcher?

 

C’était d’abord selon son cœur que Pierre a déclaré : A Dieu ne plaise, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas. Son cœur plein d’humanité et de compassion pour Celui qu’il suivait avec amour et dont il ne pouvait admettre les souffrances annoncées et la mort prochaine. Son cœur plein aussi de la foi en un messie libérateur de son peuple et non pas en un messie souffrant et mourant sur une croix.  

 

Pour nous aujourd’hui, cette réalité du sacrifice du Christ est accomplie pour notre salut mais  elle ne peut que mettre encore en échec nos propres pensées car ce Dieu qui se sacrifie en son Fils pour ses créatures est une pensée et plus encore une réalité, qui renverse nos critères, nos logiques, nos conceptions, nos priorités…

 

En effet, dans notre logique de vie de foi, nous avons toujours du mal à intégrer les inévitables situations de souffrances comme la présence du malheur, les revers d’un témoignage, les espoirs déçus malgré la prière et la fidélité… bref toute situation que Dieu permet alors que nous pensions de tout notre cœur qu’il ne le permettrait pas et en plus on ne voit pas à quoi ça sert.

 

La logique de Dieu ne correspond pas toujours à notre logique. La mise en échec de nos pensées est dès lors inévitable. C’est pourquoi, avant même que nos pensées soient mises en échec dans des faits, il serait avantageux de se demander si elles sont bien dans la logique de Dieu, logique du sacrifice, du renoncement, du don de soi, de l’apprentissage de l’obéissance par la souffrance, du renouvellement de l’intelligence, de l’intérêt supérieur des autres…

 

Cependant, il faut aussi accepter que la vie de disciple soit fondée sur une mise en échec permanente, celle de notre moi car si quelqu’un veut suivre le Christ, il faut qu’il renonce à lui-même et qu’il porte sa croix.

 

Le renoncement auquel Jésus fait appel pour ceux qui choisissent de le suivre est d’abord un engagement demandé et accepté. Personne n’est obligé de s’y contraindre mais tout qui veut suivre le Christ accepte cette condition qui n’est pas seulement un préalable à l’engagement mais une permanence dans l’engagement.

 

Ensuite, ce renoncement est plus qu’un ascétisme, plus que des privations que l’on s’impose pour ressembler à un disciple. C’est le renoncement à ses droits, à son autonomie qui étymologiquement veut dire soi-même la loi. Un renoncement qui est une mise en échec permanente de nos conceptions, de nos visions, de nos priorités, de nos croyances, de nos aspirations, de notre volonté…

 

C’est beaucoup plus exigeant que la fidélité à un ensemble de principes moraux inspirés par la bible. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de suivre la bible à la lettre mais plutôt de suivre le Christ qui en s’incarnant dans notre humanité, a connu l’incompréhension, l’opposition, le reniement d’un proche, le rejet, le complot, la torture, la crucifixion et la mort. Autant de mises en échec qui ne l’ont pas empêché d’aller jusqu’au bout de sa vocation.

 

Autant de mises en échec que nous pouvons aussi connaître, que Dieu permet même si contraires à ce que nous espérons connaître. Des mises en échec qui ne sont jamais faciles à accepter. Parfois même nous les contestons ou les trouvons injustes. Elles ébranlent toujours nos convictions que nous confondons parfois avec la foi.

 

Ce n’est pas que la foi ne repose pas sur des convictions mais que certaines convictions qui relèvent plus de ce qu’on a envie de croire, deviennent l’objet de notre foi. Ou pour le dire autrement la foi n’est pas croire ce qu’il nous plaît de croire, ce que nous pensons que Dieu permet ou pas selon notre interprétation de sa volonté.

 

La foi vient de ce que l’on entend et ce que l’on entend vient de la Parole du Christ (Rom. 10 :16). Et cette Parole du Christ met souvent en échec nos pensées. Et ce n’est pas le pire car le pire pourrait être de ne plus être mis en échec. Non pas parce que nos pensées correspondraient à la Parole du Christ mais parce que sa Parole ne serait plus entendue dans toute sa vérité. Et donc ne mettrait plus en échec nos pensées dans leur logique humaine.

 

Qu’il plaise donc au Seigneur, au contraire, de mettre parfois nos pensées en échec!

 

L. Flémal, pasteur.

 

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